Malgré des taux d'intérêt très intéressants, les candidats à la propriété n'ont pas tous les mêmes chances d'accéder à l'emprunt. Les personnes en contrat à durée déterminée ou en emploi non-salarié se hissent ainsi en haut de la pile des dossiers refusés par les banques.
Sécurité de l'emploi et acquisition immobilière sont intrinsèquement liées. Après tout, lorsqu'on s'engage à rembourser des échéances de crédit sur une vingtaine d'années, il faut pouvoir assurer ses arrières. Si la réticence des établissements bancaires est donc compréhensible, elle met toutefois sur le banc de touche bon nombre de ménages…
La précarité non grata
Bien que 88 % des employés français soient en contrat à durée indéterminée, 87 % des recrutements effectués en 2017 l'ont été en CDD d'après la Dares, l'institut statistique du ministère du Travail. Pire, 83 % de ces contrats sont signés pour des durées inférieures à un mois, tandis que seuls 20 % sont pérennisés en CDI au bout d'un an. De quoi sérieusement refroidir les prêteurs et ce, même lorsque le marché est propice.
C'est ce qu'analyse Jérôme Robin, directeur général de Vousfinancer : « Il est finalement plus compliqué en période de taux bas d'emprunter avec un dossier hors norme… Ce qui est paradoxal car les taux de crédit atteignent actuellement de nouveaux records et les banques ont la volonté de prêter ! Mais dans un contexte de forte demande, elles ont la possibilité de choisir et de privilégier les dossiers les plus faciles et les moins risqués ! ». Résultat : au premier semestre 2019, 1,3 % seulement des emprunteurs célibataires passés par ce réseau de courtage étaient en CDD, en baisse par rapport à l'année précédente (1,7 % en 2018).
Les petits patrons à la peine
Les chefs d'entreprise, du moins lorsqu'ils débutent, ne sont pas non plus accueillis les bras ouverts par les banquiers ! Alors que le statut de micro-entrepreneur est de plus en plus répandu, les établissements bancaires imposent en général trois ans d'activité et ne prennent en compte que le net imposable, ce qui limite fortement la capacité d'emprunt.
Même problème pour les créateurs d'entreprises classiques puisque les banques exigent trois ans de bilan et effectuent une moyenne de ces trois années d'exercice, au risque de voir les revenus pris en compte diminués lorsque les débuts ont été difficiles. Et même au-delà, les prêteurs analysent la pérennité des ressources en réalisant une étude sur le secteur d'activité pour s'assurer que l'entrepreneur a les reins solides.
Le traitement est d'ailleurs similaire pour les professions libérales – deux ans d'ancienneté nécessaires – et les saisonniers qui doivent carrément justifier leurs revenus sur quatre ans.
Un parcours d'obstacles
On l'aura compris, accéder à la propriété lorsqu'on est en contrat de travail précaire ou qu'on vient de monter sa boîte n'est clairement pas aisé. Certains éléments peuvent cependant faire pencher la balance en votre faveur.
Premier impératif : avoir un dossier en béton ! Outre des comptes irréprochables sur plusieurs années (on limite les découverts), vous devez afficher un reste à vivre conséquent une fois la mensualité de crédit payée. Si un apport est évidemment un bon point, une démarche d'épargne régulière témoigne aussi d'une capacité à bien gérer son budget.
Par ailleurs, certaines banques acceptent d'étudier les dossiers de CDD au cas par cas, notamment lorsqu'ils concernent des secteurs d'activité dans lesquels cette forme de salariat est la norme. Des contrats réguliers en hôtellerie, en restauration ou dans la fonction publique peuvent ainsi permettre d'obtenir un crédit.
Mais c'est surtout le fait d'acheter à deux, avec un conjoint en CDI, qui peut faire la différence. Dans ce cas, la banque pourra alors, au choix, tenir compte des revenus du CDD dans le calcul du taux d'endettement ou se limiter à ceux du CDI.
D'après les chiffres de Vousfinancer, le premier achat immobilier s'effectue aujourd'hui à l'âge de 33 ans en moyenne, contre 32 ans en 2016. Et ce, alors que les taux d'intérêt sont au plus bas et que la durée d'emprunt s'est allongée. Résultat : la majorité des travailleurs doivent attendre près de dix ans après leur entrée sur le marché du travail – 22 ans et demi en moyenne selon l'Insee – pour acheter leur logement ! Pour Sandrine Allonier, porte-parole du réseau de courtage en crédit, il n'y a pas de doute : c'est une « conséquence de l'accès très limité des CDD au crédit ». Et de renchérir : « on voit donc bien qu'aujourd'hui, la situation du marché de l'emploi est un frein supplémentaire à l'accès à la propriété des jeunes actifs ».